Pleins feux sur nuit du Nalujuk

Project Spotlight: Découvrez ce court métrage à venir sur une palpitante tradition du Nunatsiavut.

Souveraineté autochtone Création Représentation
Deux Nalujuit parés de vêtements et de fourrures en lambeaux prennent la pose. L’un tient un gros bâton, l’autre, un harpon.

Nous sommes le 6 janvier et le mercure descend sous les -40 °C. De la nuit noire du Nunatsiavut émergent soudain des Nalujuit se profilant sur la glace de mer. Bien qu’ils se déplacent sur deux jambes, leurs visages évoquent ceux d’animaux, de squelettes ou de créatures d’outre-tombe. Parés de vêtements et de fourrures en lambeaux, ils ont à la main de gros bâtons, des harpons et des chaînes. La neige crisse sous leurs pas alors qu’ils s’approchent de leur destination : la communauté inuite de Nain. 

Deux Nalujuit parés de vêtements et de fourrures en lambeaux prennent la pose. L’un tient un gros bâton, l’autre, un harpon.
Jennie Williams, La nuit du Nalujuk (2021)

Au centre du village, les plus braves se rassemblent pour accueillir ces effrayants personnages. Toute l’année, on prévient les enfants que s’ils se conduisent mal, les Nalujuit viendront les chercher ; en revanche, s’ils obéissent, il se peut que ces terrifiants étrangers leur remettent une récompense. Les gens de la communauté entonnent un chant inuktitut censé plaire aux Nalujuit, puis s’alignent pour serrer la redoutable main de chacun d’eux et lui souhaiter une bonne et heureuse année. À l’angoissante attente qui pèse sur la nuit glaciale succéderont bientôt les courses, les poursuites, les cris et les rires alors que les Nalujuit entreprendront leur traque dans les rues enneigées de la communauté. Demain circuleront en ville des histoires de courage, de crainte, de terreur ; ceux et celles qui auront eu de la chance raconteront leur fuite. 

Malgré les frayeurs que suscite la nuit du Nalujuk, les Inuit du Labrador sont très attachés à cette tradition qui, l’espace d’un soir, réconcilie plaisir et peur. Cette manifestation annuelle rarement observée à l’extérieur du Nunatsiavut offre à la population inuite, tous âges confondus, une formidable occasion d’illustrer son courage et de se rassembler, en tant que communauté, pour célébrer sa culture et ses traditions. 

La cinéaste inuite Jennie Williams nous entraîne directement au cœur de l’action et nous invite à examiner de près cette réjouissante coutume dans le court métrage documentaire La nuit du Nalujuk. Après avoir capté pendant 12 ans l’exaltation de cet événement au moyen de saisissantes photographies en noir et blanc, elle donne vie à ses images afin de raconter l’histoire d’une soirée hivernale des plus singulières.

La nuit du Nalujuk sera diffusé en ligne gratuitement sur ONF.ca en 2023.

Source : Cette vidéo a d’abord été publiée dans le dossier de presse de La nuit du Nalujuk. GRACIEUSEMENT FOURNI PAR L’ONF.

Source : Cette vidéo a d’abord été publiée dans le dossier de presse de La nuit du Nalujuk. GRACIEUSEMENT FOURNI PAR L’ONF.

 

Mot de la réalisatrice
Jennie Williams

Tous les ans, dans la nuit du 6 janvier, les habitants de Nain, au Nunatsiavut, se rassemblent pour attendre les Nalujuit : de terrifiants personnages vêtus de lambeaux de vêtements, de peaux de bêtes et de fourrure, qui surgissent de la banquise. Cette tradition sans pareille est rarement observée à l’extérieur du Labrador. En inuktitut, Nalujuk veut dire « barbare » (ou « sans foi »). Dans La nuit du Nalujuk, je documente les déplacements des Nalujuit dans Nain lors de cette soirée unique en son genre et je cherche le sens de cette manifestation pour la collectivité.

Les parents évoquent toute l’année la venue des effrayants Nalujuit pour inciter leurs enfants à être sages en les prévenant que s’ils sont insolents et désobéissants, un Nalujuk les attrapera le 6 janvier. Effrayés, les enfants y réfléchissent à deux fois avant de se montrer indisciplinés. Ils savent en effet que les Nalujuit courent extrêmement vite en faisant tournoyer leurs bâtons dans tous les sens et qu’il est très difficile de leur échapper lorsqu’ils vous poursuivent.

Mais durant cette même nuit, les Nalujuit peuvent aussi se révéler amicaux. Il arrive qu’ils serrent la main des gens et distribuent des friandises aux enfants sages ou à ceux et celles qui leur chantent une chanson en inuktitut. Les enfants qui chantent bien et fort sont parfois récompensés.

Après avoir pris des photos et fait des recherches sur la nuit du Nalujuk à Nain pendant 12 ans, j’ai réalisé ce film pour faire connaître un coin du Labrador et cette extraordinaire tradition à des personnes qui, autrement, n’auraient pas la chance de la découvrir. Le film montre combien il est important de maintenir les traditions inuites et la fête que représente chaque année la nuit du Nalujuk pour la collectivité.

À la nuit tombée, une équipe filme un Nalujuk sur la glace de mer du Labrador.
Jennie Williams, La nuit du Nalujuk (2021)

Le Lab Doc Project 
Le Labrador Documentary Project (Lab Doc Project) appuie les récits autochtones en faisant équipe avec des cinéastes inuits néophytes du Labrador pour créer et distribuer des histoires inuites présentées selon des points de vue inuits. Dirigé par des Inuit, le Lab Doc Project repose sur la collaboration communautaire et privilégie les thèmes que choisissent les cinéastes à la suite d’une démarche de réflexion collective. Cette initiative vise à faire valoir les récits autochtones à Terre-Neuve et au Labrador, à créer pour les Inuit des occasions de réaliser des films et à diversifier notre industrie de façon proactive. Quatre films sont nés du Lab Doc Project : Le tambour d’Evan, La nuit du Nalujuk, Hebron Relocation et Miss Campbell: First Inuk Teacher